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Une chambre. C’est la nuit. Une femme veille. Elle pleure un homme qu’elle a aimé. Elle est seule, en proie à l’insomnie, à une grande nuit peuplée de fantômes aimés ou haïs, à une inquiétude cosmique, à son inextinguible colère. Et à une joyeuse nostalgie aussi : celui d’un monde dont elle se souvient et qui est pour elle un monde où vivre. Au-dessus de cette chambre : le ciel étoilé.

Dans cette adaptation théâtrale du texte d’Antonin Artaud, la violence du texte n'épuise rien : elle procède au contraire d'une vitalité salvatrice. Et ce qui semble être la source intarissable d'une colère est en réalité... un amour. La langue est une plaidoirie, une lamentation, un bégaiement, un cri, un chant et, pour finir, une re-création.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le pestacle

Le Hangar de la Senne est un lieu autour duquel se sont rassemblés plusieurs collectifs et artistes, musiciens et plasticiens. Cet espace, situé à proximité du canal, en plein centre ville, est une ancienne usine de tôle émaillée que la ville de Bruxelles a mis à disposition de ces artistes pour une durée déterminée. 

 

        Ayant reçu une aide à la création, modeste mais néanmoins substantielle, qui m’a apporté soutien en même temps qu’obligation de créer mon spectacle, je me suis mise en quête d’un théâtre pour l’accueillir. J’ai obtenu un certain nombre de rendez-vous mais ceux-ci, malheureusement, n'ont débouché sur aucun engagement concret. Le théâtre Océan Nord qui, par exemple, était prêt à s’engager a dû, finalement, se désister et prendre la décision douloureuse d’annuler sa saison 2017-2018…

        Je me suis donc retrouvée en décembre dernier sans aucun lieu où créer (ironie du sort quand on sait que le spectacle se nomme Un Monde où vivre…), et la menace était réelle de me voir, en conséquence, retirer ma subvention. Je me suis donc mise en recherche de lieux alternatifs, au calendrier de programmation plus souple que ceux des théâtres qui avaient, à ce moment-là, bouclé la leur depuis longtemps… J'ai trouvé refuge au Lac, lieu d’émulation très alternatif et très actif à Molenbeek, avec qui le travail de conception et de partenariat était déjà pleinement engagé, quand une plainte du voisinage a soudain provoqué l’évacuation du lieu… Je me suis alors  retrouvée ramenée au point de départ et la situation commençait à devenir pour moi très angoissante. C'est à ce moment-là que j'ai rencontré, grâce aux recommandations d’un ami, le collectif du Hangar de la Senne. Ce lieu, bien que n’ayant ni l’habitude, ni le dispositif adéquat pour accueillir du théâtre, sensible à la situation absurde qui était la mienne, a décidé de m'ouvrir ses portes sans barguigner.

 

        Voilà pour l'instant, et en résumé, l’histoire d’Un Monde où vivre. C’est avec cette histoire et dans ce lieu particulier que le spectacle se fera donc. On fait de plus en plus de théâtre dans les friches ou les usines désaffectées, ces endroits dont on ne sait quoi faire en attendant qu’ils soient reconvertis en loft ou autre chose.. Cela dit, pour l’instant le lieu n’est ni chauffé pour le public et les artistes, ni assez puissant électriquement pour alimenter de vrais projecteurs de théâtre. Mais il me semble, d'une certaine façon, assez significatif que, n’ayant pas trouvé sa place dans les institutions, Un Monde où vivre finisse par se créer dans les marges que "le monde dans lequel je vis" me laisse encore. 

         Un lieu sans programme, presque clandestin, un ancien lieu du travail ouvrier, des machines antiques et de l’industrie. Et je repense à cette phrase d’Artaud dans une lettre d’avril 1947 à André Breton : « (…) je ne veux pas écrire pour un catalogue qui sera lu par de riches amateurs d’art, dans une galerie où l’on ne verra pas d’ouvriers et de gens du peuple parce qu’il travaillent le jour. ». Je ne sais pas s’il y aura des ouvriers dans la salle mais ce qui est sûr c’est qu’il y en a eu et que leur souvenir est ici partout présent.

Le Hangar de la Senne
- ou le parcours de création singulier d’Un Monde où vivre

QUI QUOI OÙ?

Un projet de Julie Nathan

Avec Antoine Blanquart (son), Sylvain Daval (construction),

Claire Farah (scénographie et costume),

Dimitri Joukovsky (lumière),

Laure Nathan (assistanat, régie et collaboration artistique), 

Nicolas Luçon (oeil extérieur) et Julie Nathan (mise en scène et jeu).

 Une production du collectif Travaux Publics. 

Avec le soutien du Ministère de la Culture de la Fédération Wallonie Bruxelles (Service du théâtre).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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L'équipe​

INFOS PRATIQUES

Contact : 

+32 (0)486 26 34 20

ou

unmondeouvivre@gmail.com

 

 

LE HANGAR DE LA SENNE

Rue de la Senne, 88

1000 BRUXELLES

24, 25, 27, 28 octobre &

2, 3, 4 novembre à 19h30

  • Un Monde où vivre

A PROPOS

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UN MONDE OÙ VIVRE
une adaptation théâtrale de
Van Gogh, le suicidé de la société
d'Antonin Artaud
un projet de Julie Nathan

           24, 25, 27, 28 octobre & 2, 3, 4 novembre à 19h30

 

 

NOTE D'INTENTION

"refuser la défaite"

 

    L’objectif de ce spectacle peut-être formulé aussi simplement que cela : donner à entendre une parole que je trouve belle et nécessaire ; une parole d’une puissance sans égal car elle use de sa liberté d’autant plus puissamment qu’elle naît du corps martyrisé d’Antonin Artaud, qui lui fit dire être mort plusieurs fois et qui, par la seule force de sa volonté, "se ressouvient de l’enfer" pour y puiser le combustible de son écriture.

Van Gogh le Suicidé de la société déploie une parole d’une violence inouïe et d’un amour inouï : une violence qui est la manifestation de la foncière insoumission d'Artaud, et un amour qui lui donne la force d’affirmer qu’un monde où chacun aurait sa part du meilleur ne demande qu’à exister.

     C'est une parole affirmative qui se vit en tant que devenir. C'est une parole qui refuse la défaite et qui donne la force de refuser la défaite.

 

« (…) questionner en commun la société,

la ré-interroger, la mettre en cause et, par

conséquent, remettre du mouvement dans

un système volontairement verrouillé. »

 

    Van Gogh, nous dit Artaud, n’est pas mort dans un coup de folie. Il trouvait, comme beaucoup d’autres, que le monde était invivable, irrespirable. Il avait l’ambition d’un autre monde, un monde à l'opposé de cet "état de guerre" - "guerre du commerce" dont parle William Morris en 1870 - dans lequel le monde occidental, continûment, se maintient. En cela, la mort de Van Gogh est, pour Artaud, un enjeu politique et idéologique. Dire qu’il est mort sous le coup d’une déviance mentale ou dire qu’il est mort parce que c’est la société qui l’a tué, sont deux choses bien différentes. Qu’il soit mort de sa folie propre le rend inoffensif :

c’est l’histoire d’un homme parmi d’autres et qui ne concerne que lui. Que son geste de désespoir soit au contraire mis en lien avec l'ensemble d'un contexte philosophique, social, politique, métaphysique, c’est alors questionner en commun la société, la ré-interroger, la mettre en cause et, par conséquent, remettre du mouvement dans un système volontairement verrouillé.

      Artaud inscrit en permanence son oeuvre dans la vie existante, « la vie présente » comme il l’appelle, celle qui a court. Il ne vit pas hors du monde : il prend le réel à bras le corps et il le brûle. Il le réduit alchimiquement :

    « car je tire de rien quelque chose et non de quelque chose le rien »

Sa parole se fait incendiaire, elle brûle, fait table rase et, partant de là,

invente un monde. Pour Artaud, l'écriture est un lieu où vivre réellement ; elle est un nouveau territoire où exercer sa liberté. Non pas changer le monde mais bien créer un monde. C'est cette création forcenée d’un monde où vivre, cette force d’émancipation, ce feu prométhéen, qui me bouleverse et que je désire amener sur la scène.

 

Un poème d’amour ardent

 

    Car il faut préciser ceci : malgré toute sa force de subversion et de révolte, Artaud n'écrit pas une démonstration ni un discours politique. Il écrit un poème. Un poème d’amour ardent.

Ce n’est pas rien, un poème. Cela fait appel à quelque chose de si vieux en nous… Dans un poème, le rythme déborde le sens, la langue se fait chant ou danse, elle puise au vieux fond commun du langage humain. S'il faut, elle beugle ou elle ânonne. Elle se donne avec tout ce qu’elle contient d’inarticulé, d’indicible et en même temps de volonté brûlante de dire. C'est une langue pour toujours victorieuse et vaincue.

Et de la même manière qu'Artaud affirme que Van Gogh n’est pas mort de

sa folie, j’affirme, moi, que la langue d’Artaud, cette langue folle qui,

véritablement, est un feu qui « sépare et se sépare », un feu qui « se disjoint et brûle lui-même », cette langue d’un sujet qui « craque et se défait comme un bûcher de chêne épais » ça parle, ça nous parle et ça n’arrête pas de parler. Ce qu’elle nous transmet, c’est l’expérience physique d’un temps et d’un espace de liberté inventé.

Mon intention est d’utiliser le théâtre dans sa fonction primordiale de lieu

d’une catharsis : il s’agit de faire l’expérience en commun de l’insoumission et de la création, « car ne sommes-nous pas tous comme le pauvre Van Gogh lui-même, des suicidés de la société ! ».

     Pleurer ensemble la mort de Van Gogh et la refuser comme une fin, c’est pleurer une société qui exclut son devenir et dégager par les

mots un monde où vivre.

      Amener ce texte au théâtre, c’est pour moi travailler à le faire entendre

comme une force du présent. OEuvrer à la façon d’un medicine man sioux : rappeler Artaud, c’est-à-dire le mettre en scène pour faire revenir une puissance, une force,  une présence, mais aussi pour l'honorer, le posséder et l’habiter.

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